Montréal, le 8 novembre 2024 – La Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (FMHF) réagit de façon favorable à la déclaration récente du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), dans un rapport de l’ONU évaluant les progrès réalisés par le Canada dans la promotion des droits des femmes, publié le 29 octobre dernier. Ce rapport met en garde contre l’utilisation du concept d’aliénation parentale devant les tribunaux. Dans un contexte de violence conjugale, ce pseudo-concept, souvent invoqué par des conjoints violents, est en fait un outil de contrôle coercitif utilisé contre les mères. La FMHF exhorte les décideur.euses, intervenant.es ainsi que le milieu judiciaire à bannir l’usage de l’aliénation parentale, un concept n’ayant aucune reconnaissance scientifique mais utilisé afin discréditer les mères entre autres, dans les procédures de garde d’enfants devant les tribunaux de la famille.
L’état de la situation quant à l’utilisation de ce concept est préoccupant au plus haut point : selon un récent rapport1, les accusations d’aliénation parentale sont fréquemment portées après que la mère a signalé la violence du père. Une analyse empirique2 portant sur 357 situations d’aliénation parentale, réalisée en 2018 au Canada, a montré que malgré des faits de violence ou de maltraitance allégués envers l’enfant dans 41,5 % des cas, l’agresseur quant à lui, se disait victime d’aliénation parentale dans 76,8% de ces cas.
Le besoin d’une recherche rigoureuse pour mettre fin à l’application de ce concept
Le concept d’aliénation parentale est largement controversé par la communauté scientifique dont l’Association américaine des psychologues (APA) qui en bannit l’utilisation. La FMHF souligne que sans validation scientifique ni base théorique solide avérée, ce concept occulte dangereusement les rapports de pouvoir et de domination présents dans les situations complexes de violence. « Il est impératif de cesser de légitimer ce pseudo-concept. Celui-ci est exploité et utilisé afin de contrôler et briser le lien entre les mères et leurs enfants », déclare Manon Monastesse, directrice générale de la FMHF.
Une forme de contrôle coercitif et un outil de discrédit envers les mères et la parole de l’enfant
Le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination envers les femmes recommande également que le Canada cesse d’utiliser l’aliénation parentale pour discréditer les femmes victimes de violence. La FMHF tient à rappeler que l’aliénation parentale est souvent utilisée comme un prolongement du contrôle coercitif par l’agresseur. Les pères violents exploitent ce concept pour renforcer leur emprise et disqualifier les témoignages des mères. Ce phénomène s’inscrit dans une stratégie de domination, visant à invalider la parole des mères en les accusant faussement de manipuler leurs enfants pour obtenir des décisions de garde en leur faveur. Près de 87 % des femmes rencontrent des difficultés majeures pour contester les accusations d’aliénation parentale, notamment en raison de la minimisation de cette violence par les professionnels impliqués dans les procédures judiciaires3.
Conséquences pour les mères et les enfants : impacts sur la santé mentale et le bien-être
Les accusations d’aliénation parentale ont des conséquences dévastatrices pour les mères et les enfants concernés. Dans l’étude menée par Simon Lapierre, 100 % des femmes accusées d’aliénation parentale rapportent des impacts négatifs sur leur santé mentale, leur bien-être physique (97,8 %) et leur sécurité personnelle (99,2 %). Pour les enfants, ces accusations compromettent leur santé mentale (94,8 %) et leur sécurité (87,3 %), et fragilisent leurs relations sociales et familiales. À cet égard, plus de 80 % des femmes (114 ; 85,1 %) ont estimé que les allégations d’« aliénation parentale » avaient affecté leur relation avec l’enfant. Ces données4 illustrent l’impact profond de telles accusations sur la qualité de vie des femmes et des enfants.
Recommandations de la FMHF et actions : un appel à une protection accrue des femmes et des enfants
Conformément aux recommandations du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes de l’ONU, la FMHF appelle à :
- Favoriser la recherche pour clarifier les enjeux liés à ce pseudo-concept et documenter ses effets réels dans les cas de violence entre partenaires ou ex-partenaires intimes, en tenant compte de la perspective des mères et des enfants concerné·es.
- Empêcher l’utilisation du concept d’aliénation parentale ou d’autres conceptualisations s’apparentant dans les tribunaux, surtout lorsque des allégations de violence entre partenaires intimes ont été formulées.
- Investir dans des formations pour les acteur.ices judiciaires et tout intervenant.e ayant à travailler auprès de femmes violentées sur les violences faites aux femmes et aux enfants, ainsi que sur le contrôle coercitif, afin qu’ils et elles possèdent une meilleure connaissance et évitent d’utiliser le terme « aliénation parentale ».
La Fédération des maisons d’hébergement pour femmes fait partie d’un projet de recherche intitulé Parental Alienation and Domestic Violence: International Partnership for Innovative Strategies (16 pays participants) et s’engage à défendre les droits des mères et des enfants dans tous les contextes de violence. Le concept d’aliénation parentale doit cesser d’être un outil de coercition contre les mères afin que la voix des femmes soit entendue et respectée.
Sources :
1. Résultats préliminaires d’une enquête internationale réalisée dans le cadre d’un projet de recherche intitulé Aliénation parentale et violence domestique : Partenariat international pour des stratégies novatrices, financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et menée sous la direction de Simon Lapierre de l’Université d’Ottawa. 2024.
3. Résultats préliminaires d’une enquête internationale réalisée dans le cadre d’un projet de recherche intitulé Aliénation parentale et violence domestique : Partenariat international pour des stratégies novatrices, financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et menée sous la direction de Simon Lapierre de l’Université d’Ottawa. 2024.
4. Résultats préliminaires d’une enquête internationale réalisée dans le cadre d’un projet de recherche intitulé Aliénation parentale et violence domestique : Partenariat international pour des stratégies novatrices, financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et menée sous la direction de Simon Lapierre de l’Université d’Ottawa. 2024.